Avancer le Début de la Saison de Reproduction
Tel que décrit dans le dernier article publié, “ Physiologie du système reproducteur de la jument non gestante ”, les juments sont des polyoestriennes saisonnières et passent par une période de transition avant de commencer à cycler de façon régulière.
Cette période de transition a lieu au début du printemps et peut durer de 2 à 8 semaines. En effet, après l’anoestrus d’hiver, le système reproducteur de la jument se remet tranquillement en marche. Pendant cette phase, la jument peut présenter des signes de chaleur erratiques sans ovulation; or, sans ovulation, le cycle n’est pas fertile.
Durant l’anoestrus, les follicules présents sur les ovaires mesurent en moyenne moins de 10 à 20mm de diamètre. Lorsque les follicules grossissent à 20-25mm, la jument est alors en transition. Chez la majorité des juments, plusieurs vagues de croissance folliculaires auront lieu pendant cette période de transition jusqu’à ce qu’un follicule devienne dominant et finisse par ovuler.
Pour de nombreuses raisons, plusieurs éleveurs veulent commencer la saison de reproduction le plus tôt possible dans l’année, idéalement dès le mois de février. Pour ce faire, il existe plusieurs méthodes afin de raccourcir l’anoestrus et la période de transition chez la jument.
Photopériode artificielle
Le facteur externe majeur qui régule le système reproducteur chez la jument est la durée d’ensoleillement à laquelle elle est exposée (photopériode). Il est en fait possible de prolonger cette durée en exposant la jument à une lumière artificielle.
L’éclairage artificiel est utilisé pour augmenter la clarté du jour à 16h. La jument sera donc exposée à 16h de lumière puis 8h de noirceur, c’est-à-dire lumières allumées à 7h puis éteintes à 23h. La clarté doit être en continue donc si la jument est sortie dehors pendant la journée, elle doit être rentrée à l’intérieur et mise sous les lumières avant le crépuscule.
En général, 8 à 10 semaines (60 à 70 jours) de photopériode artificielle en continue sont requises afin d’induire l’ovulation chez la jument. Une jument mise sous lumière artificielle le 1er décembre devrait commencer à cycler normalement pour le 15 février. Un fait à noter est que la température ambiente joue aussi un rôle important. Plus le climat est froid (comme nos chers hivers québécois), plus cela prendra de temps avant que la jument se mette à cycler de façon régulière, et ce, même si elle est exposée à la photopériode artificielle.
Une augmentation graduelle de la durée de clarté n’est pas nécessaire. L’utilisation d’un minuteur électrique est recommandé afin de s’assurer d’un contrôle optimal des lumières. Le type de lumière (fluorescent, incandescent, etc) n’est pas important. Par contre, l’intensité de la lumière l’est : 100 Lux (lampes à incandescence de 200W ou 2 tubes néon par box). Il est conseillé de vérifier l’intensité lumineuse à hauteur des yeux de la jument à l’aide d’un lux-mètre. La règle approximative est que si vous êtes capable de lire une petite annonce imprimée du journal n’importe où dans le box de la jument alors l’intensité lumineuse est adéquate. De plus, il faut s’assurer que la jument ne puisse pas sortir la tête du box afin d’éviter la lumière.
Une fois que la jument a sa 1ère ovulation, il est essentielle de la garder sous les lumières artificielles pendant au moins 40 jours de plus car sinon, elle pourrait retomber en anoestrus. En effet, il semble même qu’une interruption de la photopériode artificielle pendant 3 jours consécutifs peut faire rétrograder la jument en anoestrus.
Un nouveau produit développé en Irlande existe sur le marché depuis 2015 : l’Equilume. C’est un bonnet muni d’une oeillère qui produit une lumière bleue d’une intensité de 50 Lux sur un oeil. Le bonnet est placé sur la tête de la jument, sous son licou, et celle-ci peut être gardé à l’extérieur. Son prix (entre 530$ et 925$ US) est élevé mais ce produit peut valoir la peine aux éleveurs n’ayant pas les installations nécessaires dans leurs écuries pour mettre en place la technique habituelle.
Manipulation hormonale
En général, aucun traitement hormonal n’est aussi efficace que la photopériode artificielle afin d’amener une jument en anoestrus à la période de transition puis l’oestrus. Certains traitements sont utiles afin de raccourcir la période de transition et sont idéalement utilisés en conjonction avec la photopériode artificielle.
L’altrenogest (commercialement connu sous le nom de Regu-Mate) est une progestérone synthétique souvent utilisé dans ce cas-ci. Ce produit est administré par voie orale une fois par jour pendant une quinzaine de jours et une dose de prostaglandine sous forme d’injection intra-musculaire est souvent donné en conjonction le dernier jour du traitement. La jument tombe alors en oestrus généralement 3 à 5 jours après. Attention, ce traitement n’est pas miraculeux : la jument doit déjà être en fin de période de transition pour que ça puisse être efficace.
Un médicament induisant l’ovulation, tels que l’hCG ou le deslorelin, peut être utilisé chez une jument en fin de transition présentant un follicule dominant mesurant plus de 35mm de diamètre et de l’oedème utérin à l’échographie. Ces produits provoqueront l’ovulation du follicule et donc le début des cycles réguliers chez la jument.